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Africités Marrakech 2018 / Ville Africaines : signes, linéaments, configurations des possibles…

par le / 0 Commentaire(s) / 2583 vues / Lun 10 Dec 2018

Propos Liminaire (par Felwine Sarr ),

Tout d’abord j’aimerais remercier Jean Pierre Elong Mbassi pour m’avoir invité à prononcer cette « leçon inaugurale » sur le thème des villes.
Je l’avoue, je suis profane sur la question, la planification urbaine et l’architecture sont des domaines qui me sont totalement étrangers. Vous devez ma présence ici aujourd’hui à sa douce, mais ferme opiniâtreté. Jean Pierre sut me convaincre que l’on n’attendait pas de moi une leçon d’urbanisme ou d’architecture, mais ma vision, j’oserais ajouter rêvée, des villes et particulièrement des villes africaines.
Aussi je vous sais gré de me faire l’honneur, vous qui êtes quotidiennement aux prises avec les questions complexes que posent les villes, d’écouter sur un sujet aussi précis, les rêveries d’un flâneur, qui commence par avouer son ignorance.

Je confesse que la ville est une question qui m’a souvent habitée, mais de manière sporadique, surtout lors de mes pérégrinations, quand je me retrouvai dans des villes africaines et que j’observais leur allure, les tendances de leur urbanisation, leur atmosphère et que j’avais le sentiment qu’elles se cherchaient un visage, qu’elles n’avaient pas encore choisies leur identité véritable, qu’elle étaient ballotées par les vents, soumises aux dynamiques d’un certain désir de modernité, prises entre un passé révolu et un futur dont les énigmes restaient encore à être déchiffrées.

La perspective que j’ai choisie et sur laquelle je reviendrai plus amplement un peu plus tard, est de penser la ville moins comme une superstructure (ce qu’elle est), mais une comme le lieu d’une production de sens, dont les significations informent sur notre réalité sociale, politique et imaginaire.

Avant d’aller un peu plus loin dans mon propos, permettez-moi de partager avec vous quelques considérations sur les villes.

Quelques considérations sur les villes

Il semblerait que les villes soient apparues, dans la Haute Antiquité (entre 3500 et 1500 av. J-C), dans les régions fertiles du Nil, dans le royaume de Koush (25 siècles avant JC, la ville de Kerma), dans les plaines alluviales de la Mésopotamie, entre le Tigre et l’Euphrate, mais également aux abords du Gange et du Yang Tsé Kiang (fleuve bleu). Elles seraient liées à l’invention de l’agriculture et à la sédentarité.
Plusieurs récits mythiques et légendaires existent à propos de l’origine des villes.

Selon la bible, c’est Caïn, l’agriculteur, qui aurait construit l’une des premières ville, Hénoc dans le pays de Nod (errance). Hénoc signifie, genèse, commencement. (Hénoc est aussi le nom que Caïn donne à son premier fils, avant de baptiser ainsi la ville). L’artisanat et l’art y seraient nés. Dans la téléologie chrétienne, l’ultime destination est la Jérusalem Céleste. Tout commencerait par la ville et finirait par la ville (l’alpha et l’oméga). La Ville est ainsi le symbole de la perfection du monde à venir ; mais également celui de la perdition de l’homme lorsque sa volonté de puissance l’aveugle, l’épisode de la tour de Babel est là pour nous le rappeler. Mais la ville est surtout l’œuvre humaine par excellence (s’y déploie la dialectique de l’un et du multiple, de la diversité, de l’altérité, …).

L’homme, depuis sa chute, est condamné à y vivre et peut être à s’y réaliser ou s’y perdre.
Les urbanistes nous apprennent que la ville antique se caractérise par plusieurs éléments :

- Une délimitation. Celle-ci peut être physique-précise (mur, rivière, montagne) : c’est le cas de Kerma, ou de Oualota Oualata (murs ocres, tarkhas en peintures), dans l’empire du Ghana. La délimitation peut être symbolique (Romulus et Rémus tracent les contours de Rome avec une charrue). La Cité sépare ceux qui respectent ses règles (Lois), les civilisés, des barbares. Ceux qui ne respectent pas les règles de la cité sont bannis (littéralement mis au ban, ou éloignés en banlieue) ...

- Rites de fondation: la création d’une ville procède souvent de l’intention précise d’un groupe de personnes de vivre ensemble. Il s’agit de rassembler dans un espace des familles, des clans et des tribus différentes dans une intention de vivre en société, on y adresse entre autres la question de l’altérité, (comment y vivre ensemble, égaux et différents). Sa fondation obéit donc souvent à des rites : par des offrandes, on place la ville sous la protection d’une divinité ou d’un dieu tutélaire

- Sédentarité : on s’y installe. L’établissement signe l’arrêt des pérégrinations et du nomadisme.

Qu’elle soit antique, médiévale ou moderne la ville est cet espace de déploiement et de concaténation de la vie individuelle et sociale. C’est un lieu où s’agglomère une importante population. Un espace configuré, afin que les nécessités du vivre-ensemble : la sécurité, l’éducation, l’économie, les voies de communication, les activités diverses que requièrent la vie en communauté, s’y articulent au bénéfice de ses habitants. Son aspect pratique consiste à organiser au mieux la concentration des activités nécessaires à la vie sociale.

Elle n’est cependant pas que fonctionnelle, elle est le lieu d’une aventure collective orientée vers des finalités sociales, politiques et culturelles.

Il y a l’idée d’y faire corps. Le corps social est plus que la somme des individus qui le compose, il relève d’un projet commun de vivre ensemble, un projet politique qui va au-delà du souci fonctionnel, on pourrait même dire qu’une ville est un projet d’édification d’une cité idéale.

Le continent africain a le taux d’urbanisation le plus élevé au monde et celui-ci ne cessera de s’accroitre. Aujourd’hui, 471 millions, soit environ 50 % des africains habitent dans des villes. Les projections font de l’Afrique le continent le plus peuplé en 2050 avec plus de 2, 2 milliards d’individus, devant la Chine et l’Inde. En 2030, Lagos aura 25 millions d’habitants, Kinshasa 16 millions, le Caire 14 millions, Dakar 7 millions d’habitants.

Plusieurs défis se posent aux villes africaines présentes et futures : ils sont spatiaux, environnementaux, démographiques, sécuritaires. Leur prise en charge nécessite une planification urbaine, une gestion de l’espace, de l’eau, des déchets solides, des voies de communication et une prise en charge des questions écologiques subséquentes (dans un contexte où l’un des plus grands défis auquel nous faisons face est le défi écologique).

Ces défis se posent déjà aujourd’hui avec acuité et ceux qui ont en charge l’aménagement de nos villes devront y répondre de manière adéquate. N’étant pas spécialiste de planification urbaine, je n’insisterais pas outre mesure sur la nature des réponses à apporter.

Il y a plusieurs niveaux de lectures de la ville : technique (urbanisme, aménagement, architecture…), social, symbolique. J’aimerais plutôt m’appesantir sur la dimension symbolique de la ville, car non seulement elle est à mes yeux porteuse de significations multiples, mais à partir de celle-ci, me semble-t-il, on peut entreprendre une réflexion portant sur ses autres aspects.

La perspective que j’ai choisie est de penser la ville moins comme une superstructure (ce qu’elle est) et les nécessités qui s’y attachent, mais une comme un lieu de production de sens et dont les significations informent sur notre réalité sociale, politique, mais surtout sur nos imaginaires et nos projections. J’aimerai penser la ville comme le lieu de déploiement de notre vie individuelle et collective, mais surtout comme le lieu où se lisent nos imaginaires ainsi que notre conception du progrès et du vivre-ensemble. La ville comme signe et archive qui nous dit au présent et dont les linéaments indiquent les futurs que l’on souhaite édifier. Que disent nos villes de ceux-là ?

La ville peut être pensée tantôt comme un lieu (hyperlieu), tantôt comme un territoire, tantôt comme une circularité ou une totalité organique.

Un Lieu, est espace où les éléments sont distribués dans un rapport de coexistence. Ce rapport est souvent fixe et la configuration des positions y est figée.

Un Territoire se définit par l’ensemble des mouvements qui s’y déploient, en des possibilités. C’est un espace de circulation et de frayage.

Les villes africaines sont des territoires, les configurations y sont mouvantes. Des reconfigurations sociales, culturelles, démographiques y sont actuellement en cours. Ce sont des corps vivants engagés dans des processus de croissance et de métamorphose. Ces dynamiques dont la ville est porteuse, sont étroitement liées à la vision du monde de ceux qui non seulement y vivent, mais qui l’habitent.

Permettez-moi alors, avant de vous entretenir de ma ville rêvée, de partager avec vous des impressions que m’ont laissées mes flâneries dans quelques villes africaines. La plupart de nos villes contemporaines, ont une histoire étroitement liée à la colonisation. Cependant la ville n’est pas apparue en Afrique avec le fait colonial. Elle lui est antérieure. L’Afrique antique et médiévale étaient parsemées de villes. Kerma capitale de Koush fut fondée 25 siècles avant notre ère ; Dans l’Afrique médiévale, plusieurs grandes villes existent : Gao, Tombouctou, Benin City (Nigeria). A titre de comparaison, au milieu du 16ème siècle, (1550) Lisbonne compte 65000 habitant et Gao en compte 140 000 ; Venise à 130 000 habitants alors que Tombouctou en compte 170 000 habitants en 1540 ; Londres en 1545 compte 80 000 habitants au moment où Benin City en compte 250 000. Ces villes avaient leur particularité, cert aines étaient des villes du désert bâties sur plaines sablonneuses, d’autres sur des oasis ou sur les rives des fleuves, d’autres comme Oualata dans l’empire du Ghana sont des villes caravanières…. Certaines ont disparu et d’autres existent encore aujourd’hui (Gao, Oualata)

Flâneries dans des villes africaines

Permettez-moi dans ce qui suit de partager avec vous les impressions que j’ai retiré de mes flâneries dans certaines villes africaines

Il existe des villes conçues d’emblée comme un tout, c’est souvent le cas des villes nouvelles (Dubaï). Il existe des villes debout (Céline le dit de New York) ; Il existe des villes plates étalées, trébuchées de leur bons sens, inertes, essoufflées, en rupture de faune et de flore, dira Aimé Césaire en pensant à Fort de France. Mais il existe également des villes palimpsestes, au cœur desquelles, plusieurs mouvements, plusieurs couches, plusieurs strates se sont superposées et sédimentées.

Cette caractéristique me semble la mieux partagée par les villes africaines. Le sentiment que l’on retire du passage dans celles-ci, malgré leur diversité, est celui de la densité d’abord, d’une intense énergie circulant, d’une vitalité débordante, d’un dynamisme, d’un bourdonnement, d’une créativité ; mais aussi d’un chaos, d’une congestion, d’une étroitesse, d’un étouffement, d’une indécision quant à leurs formes à venir, d’une incongruité parfois, d’une contemporanéité de plusieurs mondes ; plusieurs époques s’y côtoient, plusieurs styles architecturaux, plusieurs manières d’habiter l’espace public, entre ville et campagne, entre bric et broc,….

A Bobo Dioulasso, la terre rouge et la moiteur de l’hivernage d’emblée vous interpelle, le vrombissement des motos Zémédjan, l’ambiance des maquis, les marchés, les grands boulevards augurant d’une ville future en construction. Impressions d’un Faso austère qui bourgeonne et silencieusement pousse. Kigali est une ville ordonnée, propre, dont les espaces verts sont rigoureusement entretenus, les chantiers délimités, les espaces publics aménagés, des citadins qui respectent les normes édictées, l’interdiction est faite aux vendeurs de poser leurs étals sur les trottoirs. Même les gares routières n’y sont pas bruyantes et colorées, y règne ordre et rigueur. La vitesse est limitée à 80km à l’heure sur les collines, la nature y est majestueuse. Il manque cependant à cette ville un brin de folie et d’imprévu.

Alger la blanche a l’élégance un peu surannée, ses bâtisses sont décrépies, des taxis qui ne s’arrêtent pas, des avenues larges bordées d’édifices publics et juste à l’encoignure, une médina, un marché traditionnel, un souk, une autre ville, un autre temps, une méditerranée qui vous fixe du fond de ses yeux bleus.

Bamako la poudreuse s’ouvre par une porte, comme une ville antique, puis des avenues longues et larges, des édifices à l’architecture soudano-sahélienne, des ponts à traverser, surplombant des rivières en contrebas, des noms de quartiers évocateurs, Hamdallaye, Djicoroni. Nouakchott est quant à elle une ville plate, étalée, aérée, peu dense, blanche aussi, en extension, s’ouvrant sur ses déserts et ergs. Abidjan est la ville lagunaire, fière et somptueuse, fortement dotée en infrastructures ; son urbanisation a été pensée comme un tout, elle est quelque peu marquée par les stigmates du conflit politique, mais elle renaît à grandes enjambées.

Nichée sur la façade atlantique, Dakar est tumultueuse et tourbillonnante. Elle est le prototype de la ville palimpseste. Plusieurs couches se sont sédimentées pour lui donner son visage actuel. Son histoire semi-légendaire et semi-mythique, se mêle à celle coloniale. C’est une ville en mouvement qui continue de se créer. Etouffante, elle n’a plus de poumons malgré la proximité de l’océan atlantique, les espaces verts y sont rares. Ville en perpétuel chantier, les migrations internationales l’ont reconfigurée. Les immigrés (Italie, France, USA) sont devenus des créateurs de quartiers, leur esthétique idiosyncratique dessine les nouveaux visages de la ville. Les dynamiques sociales, démographiques, et économiques, se sont imposées et on produit une ville non pensée, non rêvée, qui croit de manière anarchique.

Ville rêvée : espace de projection du devenir

Un chanteur Sénégalais (Johny Pacheco) prophétisait qu’en l’an 2000, Dakar serait comme Paris. Ce qui n’est évidemment pas le cas et ceci est une excellente chose. L’un des impératifs du continent Africain est me semble-t-il de trouver son mouvement propre. Il ne s’agit pas de reproduire des pâles copies de Paris, Berlin, ou New-York. Luanda, Lagos ou Nairobi, ne devraient pas non plus ressembler à Dubaï, Singapour ou Shanghai. Nos villes doivent exprimer dans leur architecture, leurs plans d’urbanisme et leurs élans, les formes du vivre-ensemble que nous avons choisi. Ce qui suppose au préalable que nous ayons profondément réfléchi et résolu l’interrogation, moins sur qui nous sommes, mais surtout sur qui nous voulons être (individuellement et collectivement). Le mode singulier d’être au monde qui définit nos identités dynamiques et doit se refléter dans l’apparence de nos villes. L’inscription de ces modalités d’existence particulières dans l’espace est l’œuvre des architectes et urbanistes, dont la noblesse est de concevoir et de réaliser des formes complexes.

Au-delà de la prise en charge nécessaire de ses aspects fonctionnels, une réflexion esthétique, sociale, et philosophique sur nos villes est à entreprendre. Nos architectes devraient être des bâtisseurs de la savane arborée, du Sahel, du désert, de la montagne, de la forêt. Leur art ne prend pleinement sens que s’il est connecté à la culture, à la société, au climat, à la géographie humaine et physique des lieux qu’il investit. Dans ce temps où les questions environnementales se posent de manière cruciale, nous pourrions méditer la notion de ville "intégrative", ouverte, respectueuse de l’environnement et faiblement consommatrice en ressources. Il s’agit de mettre la nature à profit, éclairer et réchauffer les espaces d’eaux par l’énergie capturée du soleil, utiliser des matériaux bioclimatiques, pencher les murs pour laisser passer les alizés et rafraichir les corps en saison sèche.

Reprendre l’initiative historique, c’est commencer par bâtir ses villes sur des modèles reflétant ses singularités et sa vision du monde et son projet civilisationnel.

La ville, avant d’être Cité, est un espace de déploiement de la vie individuelle. Et à cet égard, dans l’aménagement intérieur de nos demeures, nos architectes (et décorateur d’intérieur) doivent prendre en compte la manière dont nous vivons (et celle-ci est fortement liée à nos cultures), afin que nous puissions y déployer pleinement nos êtres.

Il s’agit de faire de la ville un lieu d’expression de la civilisation que nous bâtissons, en donnant la parole aux pierres, aux couleurs des bâtisses, en délimitant des espaces clos et ouverts, en faisant appel au langage des lignes et des formes : celui de l’horizontal pour évoquer le profond, le large et le lointain ; le piqué du vertical et les lignes qui fuient à l’infini, pour indiquer l’aspiration à l’élévation. Il nous faut certes des lieux de vie individuelle et sociale, mais également des espaces qui abritent et font grandir l’Esprit. Dans nos villes et nos demeures, aménager des lieux pour l’entre-soi, pour l’intimité close qui permet de ressentir la vibration essentielle de notre être au monde. Ces espaces ont besoin de formes pures, parfois géométriques et abstraites, parfois complexes et enchevêtrées pour figurer les linéaments des chemins qui font grandir.

Il nous faut aussi des lieux de mémoire, des lieux où l’on préserve et fait vivre le patrimoine, des parcours créés par des designers africains pour donner corps à notre histoire vécue et envisagée. Mais également, des lieux de culture, de convivialité, de vivre-ensemble, où nous faisons communauté. Une une prospective africaine de la ville, pourrait ressembler à celui de l’architecte Ghanéen Kobina Banning qui a imaginé un Sankofa Garden City Park, dans le centre de Kumasi, la deuxième ville du Ghana, où vous pouvez goûter à l’ultime expérience urbaine africaine : amphithéâtre, stands pour commerçants, réseau de transports urbains, centre de premiers soins, jardin aux plantes indigènes, espaces pour la médiation ou la prière.

Bien que virtuelle, cette construction est fortement ancrée dans la culture ghanéenne. Avant de l’imaginer, Kobina Banning, a passé plusieurs mois à observer les façons dont les 3,6 millions habitants de la capitale de l’ancien royaume Ashanti, occupaient leur espace urbain. "Kumasi était autrefois appelée la ville-jardin et son projet se réapproprie les espaces informels traditionnels comme point de départ pour examiner l’avenir". Le terme de Sankofa qui est au cœur de son concept signifie "se nourrir du passé pour mieux aller de l'avant". Contrairement à ceux qui ne voient que chaos et désorganisation dans les villes africaines, Banning est persuadé que celles-ci fonctionnent à leur façon. Un chaos "organisé et ingénieux" qu’il a voulu saisir avant de le projeter vers l’avenir.

Faire corps avec les notions de fluidité, d’amovibilité, d’impermanence, de possibles reconfigurations. Saisir le chaos organisé et ingénieux de la ville, qui fonctionne à sa façon, en comprendre les logiques et les significations et l’articuler de la manière la plus efficiente. Laisser également, dans l’édification de nos villes, des espaces de créativité, des espaces inachevés, qui figurent des possibles…

Habiter un lieu, un espace, un corps, une géographie, une ville, ce n’est pas seulement s’y installer. C’est choisir une modalité d’établissement, un mode d’occupation et de déploiement ; le type de rapport que l’on entretient avec l’espace qui nous accueille. Rendre nos villes habitables pour tous, c’est en faire des villes ouvertes, équitables, qui assument et désirent leur condition cosmopolite. IL ne pourra d’ailleurs en être autrement, car le cosmopolitisme est nôtre devenir. Les lieux cosmopolites, les villes-mondes, donnent un aperçu de ce que pourrait être un monde non compartimenté, pleinement habité par la diversité de ses peuples et la pluralité de ses cultures. Dans ces espaces, on y rencontre la multiplicité des visages de l’expérience humaine, des langues, des saveurs, des manières d’occuper l’espace, des sensibilités, des temporalités. Ces endroits sont ceux de la plus grande des créativités…

Il s’agit aussi de rendre nos villes plus intégratives ; de les rendre fonctionnelles pas juste pour des élites habitant ses beaux quartiers, mais d’en faire des lieux offrant des espaces de rencontre et de mixité sociale. Penser les transports urbains ainsi que la distribution spatiale de ses infrastructures afin de permettre à tous d’accéder à ses lieux de cultures et d’édification, ainsi qu’aux commodités nécessaires à une vie décente dans leur périmètre immédiat. Il est question ici d’équité territoriale et d’égalité d’accès. C’est ainsi que la manière dont la ville est configurée informe sur le projet de civilisation et de vivre-ensemble qui est le nôtre ; sur notre manière de faire communauté et sur les valeurs que nous mettons au cœur de notre sociabilité (exclusion ou solidarité, quelle place donnons-nous a ceux qui viennent d’ailleurs).

Penser des villes non excluantes car vivre ne peut se faire qu’au milieu des humains, mais à condition d’y être reconnu et accepté par ses semblables. L’acte de reconnaissance et les conséquences qui en découlent, sont le soin, la réciprocité et le respect des droits fondamentaux des individus. Des villes qui ne laissent personne derrière, les moins bien lotis, les migrants, les passants.

Il s’agit aussi de penser nos villes pour ceux pour ceux qui marchent ; ceux qui passent du temps dehors, ceux qui flânent,

Pour finir, et je conclurai par la,

Edifier des villes qui ne grattent pas le ciel, pas parce qu’elles manqueraient d’ambition, mais parce que leurs habitants choisissent de privilégier ces interstices où l’on se rencontre, où l’on vit et où l’on est pleinement. Ici, la construction commence par une destruction, celle du mimétisme et du contournement de soi.

Camus dit dans Noces qu’il s’agit d’entreprendre la géographie d’un certain désert. Et ce désert singulier n’est sensible qu’à ceux capables d’y vivre sans tromper leur soif, c’est alors et seulement qu’il se peuple des eaux vives du bonheur.
Je vous remercie de votre aimable attention.


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